Publié le jeudi, 19 novembre 2009 à 09h23
A la table de Yasmina : Sept histoires et cinquante recettes de Sicile aux saveurs d'Arabie
Au XI siècle, la Sicile, après 200 ans de domination arabe, tombe dans les mains des envahisseurs normands, conduits par Ruggero d’Altaville. Le nouveau Comte de Sicile se montre tolérant envers toutes les religions (« l’important c’est de payer les impôts… »), mais il ne peut pas accepter la trahison du prince Omar, qui voudrait rétablir l’ancien pouvoir, et il le condamne à mort.
C’est donc une course contre le temps, ce que la charmante soeur du prisonnier entreprend pour sauver son frère. Pour adoucir la colère du seigneur, elle décide d’attaquer subtilement et délicatement les sens endormis du guerrier, habitué à la violence de la bataille et aux sentiments rudes, et beaucoup moins aux plaisirs de la vie contemplative. Elle l’invite donc à sa table raffinée et l’initie aux saveurs inattendues, variées, parfois spectaculaires, de la cuisine locale.
La princesse redouble le coup et accompagne les repas avec des contes qui ont comme thème commun – pas par hasard – l’amour. Sept jours et sept diners, où la progressive découverte des goûts et des parfums des mets, guidée par les mots envoutants et souvent piquants de la princesse, ouvre l’esprit coriace du Comte à des sensations et des émotions jamais éprouvées auparavant.
Les plats sont inspirés des récits, ou plutôt ce sont les récits qui naissent de la cuisine fabuleuse de la princesse. Entouré par les héros de tous les siècles, par les odeurs, les épices, les amandes, le raisin sec, les « granite », on perd connaissance. On perd le sens du temps et on s’abandonne, à l’instar de Ruggero, à la narration fantastique de fables et légendes, qui font partie de la culture sicilienne et qui témoignent de la richesse de sa longue histoire. Même les ingrédients de sa gastronomie sont une image de la superposition des cultures et des peuples qui sont passés par là.
Certains personnages, comme le fou Giufà ou le jeune Cola Pesce, appartiennent réellement aux traditions populaires de l’île. Mais la plupart sortent de la fantaisie des auteurs, la palermitaine Maruzza Loria et Serge Quadruppani, en autre traducteur en français de l’écrivain sicilien Andrea Camilleri.
Ce livre est un hymne à l’amour, l’amour comme générosité vers les autres sans distinction, comme partage de son bonheur, comme recherche de la perfection. Toutes qualités qu’un vrai passionné de cuisine peut retrouver dans le plaisir de la préparation d’un repas soigné : le choix des bons ingrédients, l’harmonie des associations, et surtout le partage avec les amis plus fidèles.
Un livre à savourer pas seulement avec l’imagination : les auteurs nous donnent la possibilité d’expérimenter les recettes mentionnées. Dans les dernières pages, on trouve toutes les explications pour reproduire les dîners qui ont séduit Ruggero d’Altavilla, jusqu’à lui faire oublier le devoir d’état. Les recettes sont parfois facilitées ou adaptées aux ingrédients les plus modernes et repérables, mais elles ne trahissent jamais leurs origines.
Le livre est donc une bonne occasion pour découvrir la culture et, en même temps, la gastronomie d’une terre autant célébrée que victime de clichés et préjugés. Une bonne occasion aussi pour ceux qui aiment cuisiner et ne se contentent pas d’ajouter un peu d’origan pour obtenir un plat méditerranéen.