Publié le dimanche, 9 novembre 2008 à 16h04
Des milliers d'années, roman de Giulio Angioni
Rien ne semble changer à Fraus (ou fr, comme on l’appelait dans l’antiquité). Les siècles se poursuivent, se dépassent, se donnent la relève mais là, dans ce petit bled paumé de la Sardaigne, mis à part quelques détails de la moindre importance, l’histoire semble se répéter inexorablement. C’est l’éternel retour des envahisseurs depuis la conquête romaine. Les siècles passent, et les Romains laissent la place à d’autres usurpateurs, les Pisans avant tout, et les inquisiteurs venus du continent imposer leurs lois.
Le destin de Fraus et des gens qui y habitent, c’est bien de baisser la tête et d’obéir. Les personnages changent, des enfants, des filles, des personnes âgées mais les situations restent les mêmes en dépit du temps qui passe. Au point qu’au fil des chapitres on a un peu de mal à percevoir le temps, les siècles qui s’écoulent. Quelques références historiques citées ça et là, ou carrément la date, nous permettent de nous repérer.
Les différents personnages qui peuplent ce livre petit mais très dense sont toujours extrêmement vivants, ce qui nous les rend très proches. On a donc l’impression d’avoir constamment à faire à des contemporains. Avec une grande adresse, Giulio Angioni peint en profondeur ses personnages, des caractères durs, des caractères sardes. Comme l’exquis Acte de contrition, où Annetta, insulaire âgée au service de continentaux aisés, a une force telle qu'elle peut s'occuper de tout et de tous : de toute sa famille et de celle de l’ingénieur. Le paradoxe c’est que tout en étant la domestique des Casula c’est elle qui les paye. Elle n’oublie jamais de leur payer le loyer de la maison où elle habite avec sa famille tandis que les Casula oublient toujours de lui verser son salaire.
Même si Fraus et la Sardaigne, dont il est le symbole, est la véritable constante des différentes étapes de ce chemin à travers les siècles parfois l’action ne s’y passe pas. Dans deux chapitres, dont le très touchant La route du Sud, l’Ile et le village sont les protagonistes absents, ou plutôt une présence invisible, dans l’ombre, mais bien perceptible dans toute la narration.