Publié le jeudi, 28 mai 2009 à 17h20
L'Invention de la vérité de Marta Morazzoni
D’un côté une Reine qui décide de réaliser l’entreprise de broderie la plus grandiose jamais réalisée avec l’aide de 300 ouvrières venues de toute la France. De l’autre le dernier voyage du poète, écrivain, peintre et critique d'art britannique John Ruskin à Amiens pour la préparation de sa « Bible » consacrée à la ville picarde. Les deux histoires s'alternent, à l’une les chapitres impairs à l’autre les pairs. C’est Amiens le seul fil rouge qui lie les deux narrations, autrement totalement indépendantes. Cette ville laide et mystérieuse, d’où vient l’une des brodeuses appelée à Bayeux par la Reine et où John Ruskin se balade et s’égare.
En lisant L’Invention de la vérité, on pourrait croire que les ouvrières brodent à Bayeux pendant que le Britannique flâne en Picardie mais plusieurs siècles séparent les deux événements. Le premier se passe au XIème siècle, entre 1066 et 1077, le deuxième en 1879. Le titre du livre est directement inspiré par une phrase attribuée à Ruskin qui aurait dit « on peut imaginer des choses fausses et composer des choses fausses mais seule la vérité peut être inventée ». En effet à Bayeux on invente une vérité en fixant, immortalisant, sur une toile la version française de la bataille d’Hastings, qui permit à Guillaume le Conquérant de s’emparer de l’Angleterre. Et de l’autre côté Ruskin qui prépare son livre sur Amiens et son imposante cathédrale.
Marta Morazzoni, dont Actes Sud avait publié l’année dernière l’excellent roman L’Affaire Alphonse Courrier, qui se passait dans un petit village de l’Auvergne, est apparemment très inspirée par l’Hexagone. L’invention de la vérité qui a été publié en Italie en 1988 et qui a gagné le prix Campiello est un roman ambitieux, au rythme très lent, parfois presque immobile, comme les promenades picardes de Ruskin, aux citations savantes et à la prose raffinée.