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Publié le mardi, 30 décembre 2008 à 10h06

La Langue perdue de Giorgio Pressburger

Par Stefano Palombari

La langue perdue réunit deux romans de Giorgio Pressburger sortis en Italie en 1990 et 1992. En réalité les deux textes se complètent parfaitement. Le premier Le Murmure de la grande voix raconte les premières expériences d’Andreas (Andrea en italien, qui vient du grec Andros, homme, en opposition à femme), un jeune homme passionné de théâtre qui vit dans la capitale d’un pays totalitaire, qui vient d’être occupé par l’armée d’une puissance étrangère afin de protéger le pouvoir en place.

Andreas, après avoir assisté pour l’énième fois à une représentation de Cabala et Amour de Schiller, tombe sous le charme de Violetta, l’actrice qui joue la protagoniste féminine. Avec elle il aura sa première expérience amoureuse.
Comme la situation politique de son pays s’aggrave, le jeune Andreas, poussé par ses parents quitte clandestinement le pays. Pendant son voyage, il se rend compte que parmi les autres fugitifs il y a aussi Violetta et son amant officiel, l’acteur principal de la pièce.

Arrivé en Italie, il s’installe tant bien que mal à Rome, où une nouvelle vie l’attend. Une vie qu’il sera tout seul à devoir affronter, entouré de personnages étranges et ambigus comme le maître, la présidente, la directrice ainsi que trois jeunes grâces : Lucia, Luisa et Laura. Trois prénoms composés du même nombre de lettres et qui commencent et se terminent par la même lettre.

Le deuxième texte La conscience sensible n’est que la suite du premier. La narration est bien moins linéaire. Un long chapitre est consacré par exemple à Mémoires d’un suicidé de vingt ans, une hypothétique autobiographie de Carlo Michelstaedter, jeune philosophe qui s’était suicidé suite à un conflit avec sa mère. Un texte dans le texte, qui aura une grande influence sur le jeune Andreas.

Dans cette deuxième partie apparaît le personnage peut-être le plus ambigu, qui est aussi une sorte d’alter ego de son père. Il s’agit d’une figure extrêmement complexe et attachante bien qu’elle concentre en elle-même un nombre considérable de vices, premier de tous, celui du mensonge. Pressburger a un talent singulier dans la conception de ces personnages qui, avec leurs contradictions, sont l’extrême reflet de la vie. L’auteur maîtrise parfaitement l’art d'insuffler la vie à ses personnages. Le bien et le mal se côtoient dans les mêmes personnages en proportions différentes.

Il est clair que La Langue perdue n’est pas que de la fiction. Les éléments autobiographiques sont évidents car justement l’auteur a fui la Hongrie en 1956, lors de l’arrivée des troupes russes et s’est réfugié en Italie exactement comme son personnage. Le rythme, le style et l’écriture du livre l'apparentent à une certaine littérature mitteleuropéenne où le classicisme du langage, dépourvu de toute expérimentation, se mêle à une cadence lente.

Pour terminer un détail sans importance qui a titillé ma curiosité. Le lecteur remarquera que Pressburger a l’habitude d’indiquer les différentes villes italiennes par leur seule initiale. Je ne suis pas arrivé à comprendre le sens de ce choix. Cela n’a certainement pas le but de cacher quoi que ce soit car, la plupart du temps la ville est reconnue immédiatement par le lecteur. Deux exemples : « V. la ville sur l’eau » ou « M. la capitale de l’Italie du nord ». Un petit mystère stylistique qui fait pendant aux personnages énigmatiques qui peuplent ce livre.

Informations pratiques
La Langue perdue
Auteur : Giorgio Pressburger
Éditeur : Actes Sud
Traducteur : Marguerite Pozzoli
Prix : 22,80 €
Parution : novembre 2008

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La Langue perdue, couverture
Actes Sud, novembre 2008, 22,80 €