Publié le vendredi, 10 avril 2009 à 10h51
Le pont, un effondrement de Vitaliano Trevisan
Un Italien, dont les traits rappellent étonnement l’auteur, ne serait-ce que pour son âge et sa ville natale, est installé depuis dix ans en Allemagne. Il a fui son passé, sa famille et un pays qu’il n’a jamais ressenti comme le sien. Il vit ses origines plus comme un fardeau que comme une raison d’orgueil.
Son passé est jonché de cadavres au sens réel et figuré du terme. En effet, les vrais morts ne sont que deux, quoique très importants pour la vie du protagoniste : son père que l’auteur associe à son lit pliable sur lequel il était constamment couché les derniers temps avant de mourir et le petit Filippo, le fils de son cousin Pinocchio. Tous les autres ne sont que des cadavres vivants. Le lecteur a l’impression que Vicence n’est peuplée que de zombies.
Vitaliano Trevisan, qui a déjà à son actif deux publications en France, chez Verdier, dont l’excellent Les quinze mille pas, est absolument méconnaissable dans ce dernier livre. On dirait qu’il ne s’agit pas du même auteur. Le pont, Un effondrement est un livre substantiellement ennuyeux, où l’intrigue bien mince n’est qu’un prétexte qui permet à l’auteur de s’exprimer sur les sujets les plus disparates, tous inhérents à l’Italie. Le texte se situe sur la subtile ligne de démarcation entre la littérature et l’essai. Les thèses, qui de toute évidence sont celles de l’auteur, sont avancées avec une telle véhémence, qu’on y perçoit derrière une sorte de volonté d’en découdre, de régler une fois pour toutes ses comptes avec son pays d’origine.
Au cours de ses promenades avec son voisin, l’alter ego de l’écrivain ne cesse de trouver des arguments pour théoriser de façon manichéenne que tout ce qui est bon se trouve du côté nord des Alpes et tout ce qui est mauvais de l’autre côté. De la famille aux autoroutes, tout y passe, même la langue italienne, une langue « imparfaite et inutile », que le protagoniste est sensé enseigner à l’université de Brème. Seul Pasolini est épargné.
Dans Les quinze mille pas également l’auteur était très sévère à l’encontre de certains aspects de la Péninsule et notamment de sa province. Mais le style très original, raffiné et littéraire permettait de nuancer et de préciser les propos. Ici en revanche souvent les discours autour de sujets importants et graves ressemblent plutôt à du bavardage de comptoir.