Le Ventre de Naples de Valeria Parrella

Par Stefano Palombari

Lorsque j’ai appris que Valeria Parrella sortait un livre intitulé Le Ventre de Naples, j’ai sursauté. Il Ventre di Napoli pour un Italien est indissolublement associé au nom de Matilde Serao, journaliste « napolitaine », qui publia en 1884 un recueil d’articles sous ce titre. Chaque article était consacré à un aspect de cette ville unique (la loterie, l’usure, la corruption…).

Le même titre cache, dans le cas de Valeria Parella, un recueil de nouvelles. Mais comme pour Matilde Serao, là aussi on aborde à chaque fois un thème différent : l'éducation, la corruption politique, la spéculation immobilière, la drogue…. Les éditions du Seuil ont décidé de faire une sélection des meilleurs nouvelles publiées en Italie dans deux recueils Mosca più balena et Per grazia ricevuta (minimum fax éditions). Cette sorte de « best of » n’est pas très courant dans l’édition mais dans le cas échéant il était totalement justifié par la qualité inégale des nouvelles.

Le portrait de Naples ressort petit à petit, par petites touches comme une mosaïque, à travers l’histoire de six Napolitains (dont cinq Napolitaines), de milieux sociaux divers, qui se battent quotidiennement avec les problèmes de la ville. La violence est présente mais toujours de façon indirecte. Le lecteur peut la ressentir derrière les tribulations et les angoisses des protagonistes.

En même temps Seuil profite de cette occasion pour sortir un livre de Anna Maria Ortese. Il s’agit du Port de Tolède. Un livre écrit et réécrit plusieurs fois entre 1969 et 1998 (dernière édition). La première édition date de 1975. La parution du livre fut un fiasco total. C’est un livre dur, difficile, imprégné d’éléments autobiographiques, un univers totalement symbolique où chaque nom, lieu et fait renvoie à quelque chose d’autre. Mais c’est un univers figé, où les stratifications sociales sont immuables. La protagoniste, Damasa qui y est née, n’a aucune échappatoire. Les plus démunis sont des perdants qui ne gagneront jamais.

C’est un livre auquel Anna Maria Ortese était très attachée. Ce qui permet de comprendre sa déception à la réaction des critiques et du public. Le Port de Tolède est dédicacé à Anne Hurdle. Il s’agit d’une jeune anglaise du XVIII siècle punie sévèrement pour avoir battu de la fausse monnaie. Pour la Ortese en réalité on reprochait à Anne la volonté de changer sa situation, de sortir de sa pauvreté, bref de ne pas rester à sa place.