Publié le dimanche, 23 août 2009 à 10h32
Manituana, nouveau roman de Wu Ming
L'histoire de la naissance des États-Unis est normalement présentée comme la victoire de la liberté et des droits de l'homme sur la tyrannie. Dans le conte idyllique et épuré du pionnier qui prend les armes contre le méchant état liberticide d'Albion, on oublie régulièrement les principales « victimes collatérales ». Les Indiens d'Amérique, que les Blancs étasuniens d'aujourd'hui appellent, dans un mélange de mauvaise conscience et de politiquement correct puritain, Native Americans, ont été spoliés de tout et massacrés par les chantres de la liberté.
Avec Manituana, les cinq Wu Ming nous livrent une version fort différente de cette étape constitutive de la notion d'État de droit occidental. Ce sont les victimes qui nous donnent leur version des faits. Ce qui permet de remettre les pendules à l'heure. La grande maison iroquoise, celle qui réunissait les six nations indiennes du nord des Etats-Unis, avait en grande partie choisi de se ranger du côté des « méchants » loyalistes, car ces derniers s'étaient engagés à préserver leurs terres. Les Anglais avaient même proclamé la libération des esclaves noirs, ce qui avait tout pour déplaire aux colons, grands propriétaires terriens. Donc, finalement, ils n'étaient pas aussi méchants que la version officielle de l'histoire veut bien nous les présenter. Même si, à la fin, les Anglais aussi oublièrent les indigènes et lors du traité de paix de Paris en 1783, il n'y eut aucun représentant indien.
Joseph Brant est l'un des héros de cette épopée. Beau-frère de Sir William Johnson, qui était entre autres le Commissaire des affaires indiennes, et interprète attitré des la couronne britannique auprès de la nation Mohawk, à la mort de ce dernier il assumera un rôle de plus en plus déterminant dans la défense de la population indienne. Il deviendra un chef de guerre redoutable et impitoyable, surtout vers la fin du conflit, lorsque George Washington donnera à ses troupes l'ordre de n'avoir plus aucun scrupule vis à vis des Indiens. S'en suivirent des massacres, des viols, des destructions... qui en un peu plus de cinq ans détruisirent totalement la grande maison Iroquoise. Ce qui restait de ce peuple ira se réfugier sur les Milles Îles, qui en dépit de leur nom n'étaient qu'une poignée d'îles à l'embouchure du Saint Laurent.
Manituana fait plus de 500 pages et se lit avec plaisir du début à la fin. Le lecteur peut aisément inscrire les actions des personnages à l'intérieur de leur contexte historique à l'aide d'une brève chronologie placée au début du livre. A lire absolument.