Manuel d’instructions au Théâtre du Marais

Par Stefano Palombari

Le « Manuel d’instructions » est une relecture du plus fameux roman de Julian Cortazár, « Histoires de Cronopios et de Famas ». L’adaptation scénique ne prétend pas trouver une signification au mystère de ce roman, cependant dans l’interprétation des personnages, le spectacle réussit à nous faire découvrir une logique qui dépasse les limites de la banale réalité.

La première scène commence avec la présentation des trois « génies », créés par Cortazár : les Cronopios, les Famas, et les Espérances, trois modèles possibles de l’interprétation de l’existence qui semblent contrastés mais seulement en surface.
Quand entrent en scène les Famas, prêts à partir en voyage, ils se présentent bien ordonnés et minutieusement précis. Chacun à sa valise avec lui qu’il contrôle une infinité de fois pour être sûr que son contenu est rigoureusement disposé. Les Cronopios, également sur le point de partir, ont une unique malle pour tout le groupe, ils sont joyeux et donnent l’impression de ne pas savoir ni le but ni le motif de leur départ.

Les Espérances « sont comme les statues, il est nécessaire de faire un voyage pour les voir parce que celles-ci ne se dérangent pas ». La sensation qu’une contradiction claire existe entre ces génies, commence à vaciller dans l’absurdité de l’ensemble de leurs comportements.

Au fur et à mesure que se succèdent les scènes, il devient claire qu’en réalité il n’y a aucune antithèse entre eux. De l’extérieur, en effet, on peut remarquer que les logiques desquelles proviennent les comportements des Cronopios, des Famas et des Espérances, s’entremêlent les unes aux autres : les premiers sont rationnellement fous, les seconds follement rationnels, et les Espérances méprisant ostensiblement les deux, se perdent dans une folie poétique.

L’association culturelle Carichi Sospesi nait à Padoue en 1998 avec l’intention de promouvoir des laboratoires d’animation théâtrale, de produire des spectacles théâtraux, d’expérimenter de nouveaux langages et de nouvelles techniques. En 2003, est ouvert le cercle culturel, un lieu de rencontre et de confrontation qui nait du besoin de créer un théâtre ouvert qui puisse accueillir en plus des spectacles et des cours, aussi une forme de sociabilité, d’échange, d’influence dans laquelle les idées circulent et ne doivent pas trouver de terrain d’échange uniquement le temps des spectacles.

Un lieu théâtral dans lequel différentes formes d’expression se rencontrent, s’influencent, un lieu dans lequel il est possible de continuer à parler, à discuter, à écouter. Un espace dans lequel apprendre, approfondir des techniques, enrichir nos connaissances, un espace où accueillir des cours, des stages, des laboratoires, des démonstrations de travail. A partir de ce moment là, la programmation théâtrale et musicale hivernale des quatre dernières saisons a accueilli plus de 200 compagnies et groupes.

Les acteurs du spectacle « Manuel d’instructions », étudiants ou jeunes travailleurs entre 20 et 35 ans, sont issus des deux années de formation du cours dispensé par Marco Caldiron, l’un des fondateurs de l’association. Ils ont tous pour la plupart enrichis leur parcours d’autres expériences théâtrales (laboratoires, stages, participation à d’autres spectacles….). Le spectacle a déjà été présenté deux fois lors de l’édition 2009 du festival « I Giardini Sospesi – Immagini & suoni » et fera à nouveau parti l’hiver prochain de la programmation de l’association Carichi Sospesi.

L’une des comédiennes de la troupe est française, originaire de la région parisienne. Elle a suivi divers cours de théâtre amateurs pendant près de dix années, et s’est installée pour deux ans à Padoue pour terminer ses études. Elle souhaite, avec Marco Caldiron, continuer à faire vivre ce spectacle, en particulier en le présentant à Paris. Les échanges entre la culture italienne et la culture française sont la plupart du temps synonymes d’engouement pour le public qui, s’il n’est pas toujours averti, est toujours sensible à la musique de la langue. La précision du travail de Marco Caldiron et la dynamique donnée à l’ensemble du spectacle, ainsi que certains arrangements en français, ne manqueront pas de maintenir l’attention du public.