Publié le jeudi, 14 août 2008 à 18h30
Norma Jean à l'exposition collective Faites vos je
"Faites vos Je" n’est pas une exposition collective conventionnelle, elle propose une investigation pour débusquer les stratégies à l’œuvre derrière le choix d’un pseudonyme et/ou la dissolution de l’auteur dans les pratiques contemporaines. Les pièces présentées abordent ainsi , entre autres, des problématiques liées aux notions de dématérialisation de l’œuvre et de l’artiste. Quand David Vincent convoque douze critiques à produire du texte autour de l’œuvre de Nancy Crater, incarnation de l’Artiste selon lui et dont la production fait l’unanimité, ce sont les modalités des dispositifs qui font polémiques1. En provoquant l’écriture de discours susceptibles de construire une proposition artistique, indépendante de son auteur, de ses modalités plastiques et parfois même en dépit de celle-ci, l’artiste souligne que par de-là les glissements d’auteur, il est aussi question d’une certaine vacuité de la critique. Des considérations pragmatiques interviennent aussi dans le recours et le choix d’un pseudonyme, liées au marché de l’art, ses codes, ses rites et propension à alimenter mythes et fictions au travers de bios artistiques plus ou moins brumeuses. C’est ce que critique et pourtant conduira à sa dissolution le fameux groupe d’artistes Présence Panchounette. Vingt ans durant, ils subvertissent, infiltrent et manipulent le monde de l’art et ses codes. Leur refus systématique de s’afficher ou se dévoiler ainsi que l’aura mystérieuse qui les entoure ne fera, malgré leur attitude critique et provocatrice permanente, qu’accroître la valeur de leurs productions. Las, ils dissolvent le groupe. Dans leur sillage et adoptant une position aussi critique et radicale élargie à l’ensemble de la société, et décrite comme du « Beuysianisme apocalyptique2 », le collectif Artists Anonymous revendique, à l’instar de Joseph Beuys, la notion d’art total dans lequel l’art et la vie se confondent. Mais du côté obscur ! Pour preuve le titre de leur dernière exposition « I Hate The World And the World Hates Me » fait référence à l’action entreprise par Beuys en 1974 « I Like America And America Likes Me ».
Art et vie confondus, interchangeabilité, droits d’auteurs, propriété intellectuelle privée ou collective sont autant de sujets que l’on retrouve chez le jeune collectif Claire Fontaine, artiste ready-made autoproclamé, et qui privilégie le recours aux processus collectifs de production. Ces questions trouvent un prolongement dans des démarches très personnelles, plus intimes et liées à des réflexions autour de l’individualité. Ce que révèle l’œuvre de Norma Jeane, née à Los Angeles la nuit même ou mourut Marilyn Monroe, et qui, en renonçant à un sexe en particulier, et en se créant de multiples personnalités, produits des versions copiées collées de son personnage. Norma Jeane n’est autre qu’un(e) artiste sans corps et sans biographie autre que celle de son parcours artistique. Son nom, son pseudonyme – le véritable nom d’une star populaire du show business, connue du public par un pseudonyme – est déjà une intention poétique. La réalité et la fiction, les situations paradoxales basées sur une logique binaire – solide et liquide, vide et plein, contenu et contenant, signifié et signifiant, vie et mort – caractérise le travail de Norma Jeane.
Pour plusieurs pièces, Norma Jeane joue sur l'ambiguïté d’une présence corporelle dont les effets sont sensibles mais pas tangibles de façon immédiate ou habituelle. « Il paradiso può aspettare » (Le paradis peut attendre), 2005/2006, fut installé sur le toit-terrasse de l’institut suisse à Rome, un des points les plus élevé, à même hauteur que le dôme de St Pierre. Un lit rond, des draps, des cendriers et un parasol étaient mis à la disposition des visiteurs pour deux heures, afin de leur donner « la possibilité d’atteindre un état de grâce et de plénitude sans transcender ni mortifier le corps ». Pied de nez à toutes les scènes d’extase contournées du baroque chrétien, issue d’une idéologie glorifiant la souffrance ou le principe d’une économie de comptable étriqué qui voudrait « qu’à tout plaisir suffit sa peine », Norma Jeane met en place des processus qui ouvrent de nouvelles perspectives.
Informations pratiques
Galerie de la Friche Belle de Mai41 rue Jobin - 13003 Marseille
Tél. 04 95 04 95 04
Dates : jusqu'au 13 septembre 2008