Totò qui vécut deux fois

Par Stefano Palombari

Totò qui vécut deux fois est un film très controversé. Certains le considèrent un chef-d'œuvre, d'autres le détestent, à l'instar du réalisateur catholique Franco Zeffirelli qui a déclaré à la sortie du film : “Je dois confesser, du fond du cœur, ma tristesse et mon malaise devant un tel cinéma dénué de toute forme de sentiment et de valeurs. Dans quelle société vivons-nous ? 'Pourquoi produit-on donc de tels films ?' devrait être le cœur de la question.
C'est quelque chose qui est profondément contre l'humanité, la société et les valeurs fondamentales de l'homme et je pense que dans un cas comme celui-ci la censure totale est nécessaire. Et en ce qui me concerne je n’irai pas voir ce film car je sais déjà de quoi il est question et je ne veux pas salir mon regard.”

Première partie : Paletta, un obsédé sexuel, erre dans les faubourgs de la ville. Non seulement il ne parvient jamais à satisfaire son désir mais il subit en outre toutes sortes d’humiliations. Son excitation décuple lorsqu’il apprend que Troiscylindrées, une putain bien connue, est arrivée en ville. Désargenté mais incapable de résister à la tentation, il commet un vol dans le tabernacle placé sous la protection du chef de la Mafia. Mais trois voleurs font irruption dans le bordel avant même que Paletta ait pu toucher Troiscylindrées; ils s’emparent de son butin et dévoilent ainsi le méfait. Le pauvre homme subira la terrible punition de la Mafia pour avoir violé la figure de l’Ecce Homo.

Deuxième partie : Une famille veille un homosexuel d’âge moyen qui vient de mourir. La mère du défunt attend avec impatience l’arrivée de Fefè, l’amant de son fils. Ce dernier hésite à se rendre à la veillée car il craint les foudres de Bastiano, le frère du mort, pour qui cette relation contre nature est une insulte à l’honneur de la famille. Fefè se décide finalement à se rendre auprès du mort et parvient à éviter la colère de Bastiano. Tard dans la nuit, Fefè, affamé et désespéré, trouve enfin le moment propice pour dérober la précieuse bague de son amant défunt. Mais les rats qui pullulent dans la ville l’empêcheront de profiter de son larcin. Quant à l’histoire d’amour entre les deux hommes, elle renaîtra à travers les souvenirs des personnages.

Troisième partie : Trois croix sont érigées sur la colline à l’extérieur de la ville. Lazare, un mafioso qui refuse de coopérer avec Don Totò, l’impitoyable chef de la Mafia, est dissous dans l’acide. Totò, un vieux messie, toujours suivi du petit bossu Judas, parcourt les chemins contrôlés par la Mafia. Judas supplie en vain Totò de le libérer de sa difformité. Mais ce dernier l’envoie à chaque fois balader, alors qu’il se laisse convaincre par la famille de Lazare de tenter le miracle de la résurrection. Il y parvient contre toute attente et Lazare, de retour à la vie, s’échappe pour prendre sa revanche. La rancœur de Judas ne fera que croître. Il décide alors de trahir Totò et de le livrer à l’impitoyable Don Totò furieux des meurtres que commet le ressuscité. Le messie est capturé par les mafiosi à l’occasion du dernier repas et condamné par le chef de la Mafia. Les deux bandits, Paletta et Fefè, sont déjà sur une croix et trois brutes épaisses qui viennent de violer un homme dont l’air angélique les avait attirées (celui-ci se promenait avec des ailes qu’il avait volées à un ange qu’il avait tué), s’emparent d’un pauvre hère pour le crucifier aux côtés des deux autres hommes. Quant au vieux messie Totò, la Mafia lui réserve un tout autre sort.

Totò qui vécut deux fois a été montré en sélection officielle à Berlin en 1998 puis interdit en Italie avant même sa sortie: “Ce film est une attaque contre le sacré, contre l'homme. Rien ne peut être coupé. Il s'agit d'un non message, inutile et pervers, totalement négatif” a déclaré l'un des censeurs. Ce à quoi les réalisateurs répondent: “Notre film est un film religieux avec un sens du sacré tout autre que le blasphème. Certes, notre messie est de Palerme, il n'a rien de traditionnel.” Daniele Ciprì et Franco Maresco ont subi des attaques très sévères de la part de nombreuses personnes qui avouaient même publiquement ne pas avoir vu le film. Leonardo Ancona, psychologue et président de la commission de censure, a déclaré que le film était une offense contre le peuple italien et contre l'humanité tout entière; et que Ciprì et Maresco étaient deux psychopathes qui haïssent le monde.