Les Globes de Coronelli
Ambassadeur à Rome, le cardinal César d'Estrées a pu voir, de passage à Plaisance en 1680, deux grands globes (1,75 mètre de diamètre) réalisés pour le duc de Parme par Vincenzo Coronelli, moine et cosmographe de son état. Le cardinal, peut être sur une suggestion de Colbert, commande à Coronelli deux globes encore plus grands à offrir au Roi Louis XIV : un présent pour tenter d'obtenir la charge de Chef du Conseil de Conscience du Roi.
Pour construire les globes de Louis XIV, Coronelli séjourne deux ans à Paris entre 1681 et 1683. Il s'entoure de nombreux artisans et artistes italiens et français, dont Jean-Baptiste Corneille, peintre du globe céleste. Lorsque Coronelli quitte Paris en 1683, les globes ne sont semble-t-il pas complètement achevés : vingt ans de travaux complémentaires seront nécessaires. On ne sait pas combien ces globes ont coûté : selon certaines sources Coronelli aurait perçu 46.000 francs (somme qu'il estime largement inférieure au coût des deux œuvres) ; selon d'autres il aurait dû se contenter d'un collier et d'une pension de 300 écus.
Construits à l'Hôtel de Lionne à Paris, les globes étaient destinés à orner le château de Versailles. Après plusieurs projets ils sont finalement installés à Marly, où des pavillons furent spécialement construits afin de présenter ces œuvres de grande dimension. Ils restèrent de 1703 à 1715 : ils seront par la suite connus sous le nom de Globes de Marly. En 1722 ils sont transportés à la Bibliothèque du Roi où l'on aménage en 1731 un "salon des globes" selon les plans de l'architecte Robert de Cotte. Ce salon est ouvert au public à partir de 1782. Les globes sont présentés au public pendant tout le XIXe siècle. En 1900, une grande salle de lecture remplace le salon des globes qui sont alors mis en caisse et entreposés à Versailles. On perd ensuite leur trace jusqu'en 1970. Sous l'action du cartographe Michel Morel et de l'association internationale des Amis de Coronelli ils revoient le jour en 1980, pendant une courte exposition au Centre Pompidou puis à la Cité des Sciences et de l'Industrie où ils ont demeuré jusqu'en octobre 2006. Depuis ils ont (auraient ?) trouvé leur demeure définitive dans le hall Ouest de la Bibliothèque nationale François Mitterrand.
Description
Vincenzo Coronelli se réclamait aussi de la " profession mécanique " et ses globes sont en effet des machines, dont la fabrication constitue une prouesse technique. Toutefois il ne fut pas possible de les rendre mouvants, probablement à cause de leurs dimensions : les deux globes mesurent 3,87 m de diamètre (presque 5 avec les méridiens et les cercles d'horizon qui sont mobiles), 12 mètres de circonférence et pèsent plus de 2,3 tonnes chacun !
Leur structure est faite de fuseaux de bois cintrés de 3 mètres de long et environ 10 centimètres de large à l'équateur, chaque hémisphère étant constituée de 120 fuseaux. Le bois est recouvert d'une coque de plâtre, sur laquelle est collée une forte toile. Viennent ensuite se superposer une couche d'enduit puis plusieurs autres toiles fines et plâtrées et une dernière toile préparée pour servir de support aux peintures. Chaque globe est muni d'une trappe de visite et d'une trappe d'aération.
Les représentations :
Le globe céleste
Le globe célesteLe globe céleste représente l'ensemble de l'Univers avec la Terre au milieu. Les constellations sont conformes à la configuration du ciel le jour de la naissance de Louis XIV, le 5 septembre 1638. Le globe présente 1 880 étoiles et 72 constellations. Pour confectionner le globe céleste, Coronelli a utilisé les travaux de Cassini et de Tycho Brahe. Des clous en bronze de différentes tailles marquent la position et la magnitude des principales étoiles. Les noms des constellations sont écrits en quatre langues : français, latin, grec et arabe. Le déplacement apparent du Soleil sur le globe est indiqué par une flèche et figuré par une ligne de laiton dorée. En 1781, Uranus, qui venait d'être découverte, a été ajoutée sur le globe, mais en très gros : le globe était alors devenu un objet de décoration alors qu'à l'époque de Coronelli le but de ces globes (plus ou moins grands était avant tout scientifique et pédagogique.
Le globe terrestre
Le globe terrestreLe globe terrestre est celui dont l'information géographique est la moins précise. Déjà à l'époque, Philippe de La Hire, cartographe, émit des doutes sur la valeur scientifique de ce globe. Entre la confection des globes et 1704, année de leur exposition au public, les travaux de l'Académie des Sciences avaient beaucoup progressé et les globes paraissaient déjà vieillis. On ne sait donc pas exactement si les globes ont fait l'objet de corrections ultérieures à leur fabrication. Coronelli avait néanmoins utilisé les documents de cartographes tels Johan Blaeu et Sanson, des cartes de navigateurs ainsi que les cartes qui devaient permettre de constituer le Neptune François, l'atlas nautique publié à la fin du XVIIe siècle pour les besoins des marins français. Les imprécisions géographiques du globe concernent essentiellement les terres australes, alors partiellement inexplorées : sur toutes les régions aux contours incertains, Coronelli met une ligne floue et applique un décor sur l'emplacement qui n'est pas connu. L'absence de précision géographique est plus que compensée par la profusion de figures et descriptions entre mythe et réalité : la chasse à l'autruche et la pêche à la baleine côtoient ainsi les îles aux trésors ou les anthropophages d'Amérique.
Vincenzo Maria Coronelli
Vincenzo Maria Coronelli naît à Venise en 1650. Il rentre très jeune dans l'ordre des Frères Mineurs Conventuels et à seize ans il publie son premier ouvrage. Il n'a pas encore trente ans lorsqu'il réalise pour le duc de Parme les deux globes (aujourd'hui perdus) qui attirent l'attention du Cardinal d'Estrès. Après l'aventure française des globes de Louis XIV - grâce à laquelle il a pu réunir une riche documentation - il est appelé partout en Europe où il réalise des globes (toujours en couple, terrestre et céleste) de toute dimension pour les nobles et les puissants. En 1689 il fonde à Venise l'Académie des Argonautes, considérée comme la première académie de géographie au monde. Il devient ensuite " cosmographe de la république vénitienne " et publiera entre 1691 et 1695 l'Atlas Vénète , considéré comme le premier traité de géographie italien. En 1693 il confie les secrets de réalisation de ses globes dans l'ouvrage " Epitomé cosmographique ". Il se dédie ensuite à la réalisation d'une œuvre encyclopédique la " Bibliothèque Universelle " dont il n'arrivera à publier que sept des quarante cinq volumes prévus. Il meurt à Venise en 1718.
Publié le samedi, 4 août 2007 à 16h12
Informations pratiques
Bibliothèque nationale de France <Site François-Mitterrand - Hall Ouest
quai François-Mauriac - 75013 Paris (M° Bibliothèque François-Mitterrand / Quai de la gare)
Renseignements : 01 53 79 59 59
Horaires :
Du mardi au samedi de 9 h à 20 h
le dimanche de 13 h à 19 h
le lundi de 14 h à 19
fermé le lundi matin et les jours fériés).