Le génie de Rossini (1792-1868) est très précoce et foudroyant. Son parcours est fort original. A vingt ans, il obtient son premier succès et devient célèbre. Il mourra à soixante-seize ans mais c'est à trente-sept ans à peine qu'il écrit son dernier opéra, Guillaume Tell. Quand il arrive à Paris, en 1824, il a déjà écrit ses oeuvres principales. Grâce à la protection du roi Charles X, Rossini est nommé directeur musical du Théâtre Royal Italien. Deux ans plus tard, il quitte son poste pour devenir compositeur du roi et inspecteur général de tous les théâtres musicaux de la capitale. A Paris, il fait représenter plusieurs fois ses anciens opéras dans leur version originale ou remaniés. Mais il crée aussi deux nouveaux opéras Le comte Ory (1828), sur un livret de Scribe et, l'année d'après, Guillaume Tell, représenté le 3 août 1829. Pour celui-ci, Rossini reçoit des éloges unanimes, même de la part de ses plus féroces critiques comme Fétis et Berlioz. Après cela plus rien, en raison semble-t-il de sa paresse, sauf quelques petites compositions et deux oeuvres sacrées, le Stabat Mater et la Petite Messe solennelle. En 1830, après la Révolution de juillet, il rencontre quelques difficultés, mais il réussit quand même à garder sa pension et son influence sur la vie musicale de la ville. En fait, c'est sur l'invitation de Rossini, que le jeune Vincenzo Bellini arrive à Paris en 1833 pour composer et mettre en scène les Puritains. Rossini ne quittera plus Paris jusqu'à sa mort, en 1868, en dehors d'un séjour en Italie à Florence et Bologne, entre 1848 et 1855, dont il rentrera très malade. A partir de 1857, quand sa santé s'améliore, il recommence à recevoir des visites dans sa maison (au n° 2 de la rue de la Chaussée-d'Antin), qui devient l'objet d'un véritable pèlerinage. Les plus grands musiciens français de l'époque s'y rendent régulièrement. Mais il reçoit aussi la visite de plusieurs artistes venus de l'étranger, notamment de Richard Wagner, en mars 1860. A sa mort, le 13 novembre 1868, il est enterré au cimetière du Père-Lachaise. En 1887, sa dépouille est déplacée dans l'église de Santa Croce à Florence.
Le Sicilien Vincenzo Bellini (1801-1835), devenu très célèbre par ses deux chefs-d'Oeuvre La Sonnambula et Norma (1831), arrive à Paris en 1833. Rossini, qui avait commencé à s'intéresser à lui en 1827, en assistant à la représentation du Pirata, à la Scala de Milan, en vertu de son pouvoir dans la capitale française, lui fait avoir une commande d'un opéra pour le Théâtre Italien. I Puritani, dixième et dernier opéra de Bellini, est mis en scène le 25 janvier 1835 au Théâtre italien, et c'est un grand succès, un enthousiasme général. Rossini le définit même comme son opéra préféré, la reine veut rencontrer le compositeur et accepte la dédicace de l'opéra, le roi Louis-Philippe le décore de la Légion d'honneur. Mais le bonheur du compositeur est très bref. A la fin de la même année, il meurt d'une maladie intestinale foudroyante et " mystérieuse ", d'après quelques critiques. A son enterrement sont présents tous ses amis et admirateurs, tels que Rossini, Cherubini et le poète allemand Heinrich Heine. Donizetti, qui connaissait bien Bellini et l'appréciait, écrit, à cette occasion, une Messe de requiem et un Lamento sur la mort de Bellini. Ses restes reposeront au Père-Lachaise jusqu'en 1876, avant d'être remmenés au cimetière de Catane.
Gaetano Donizetti (1797-1848) arrive aussi à Paris sur l'invitation de Rossini. On est en 1838. Comme Rossini désormais est presque retraité et Bellini mort depuis trois ans, Donizetti, qui, en Italie, est déjà très célèbre pour ses chefs-d'oeuvre (Lucia di Lammermoor, Lucrezia Borgia et Elisir d'amore), devient vite le musicien italien le plus en vogue. Le succès de La Fille du régiment (1840), sa première oeuvre composée en France, lui attire l'hostilité de certains musiciens locaux, notamment de Berlioz. Deux ans plus tard, le triomphe se reproduit avec Linda di Chamounix. Puis, l'année suivante, c'est au tour de Don Pasquale, son dernier chef-d'Oeoeuvre, joué au Théâtre des Italiens en 1843. Alors qu'il est à son apogée, sa santé se dégrade très rapidement. En 1845, frappé par une paralysie cérébrale, il est hospitalisé dans un centre de soin à Ivry. L'année suivante, il sera rapatrié à Bergame, où il végétera encore deux ans avant de mourir.
Quant à Giuseppe Verdi (1813-1901), le compositeur le plus populaire, il ne s'est jamais installé en permanence à Paris. Il s'y rend souvent, pour plusieurs raisons, notamment la représentation de ses oeuvres. Pourtant, on peut dire que entre 1846 et 1849 et plus tard entre 1852 et 1854 il passe plus de temps dans la capitale française qu'ailleurs. Il se fait qu'en 1846 Giuseppina Strepponi, grande prima donna de l'opéra, qui venait juste de clore sa carrière foudroyante, s'installe à Paris.Célèbre pour ses qualités exceptionnelles de soprano et pour ses innombrables liaisons amoureuses avec des impresarios, chanteurs, musiciens, notamment avec Donizetti en 1838, elle avait rencontré Verdi en 1839. Mais c'est seulement en 1842 que commence leur liaison. Donc, à partir de 1846 Verdi s'installe pratiquement à Paris pour vivre more uxorio avec la Strepponi.Elle habite rue de la Victoire, près de l'église Notre-Dame-de-Lorette. A cette période, il travaille à une version française des Lombardi alla prima crociata, rebaptisée Jérusalem. Il reste à Paris deux ans, jusqu'en 1848, lorsque les événements révolutionnaires qui intéressaient la péninsule et en particulier la région de Milan, le poussent à rentrer. Mais la révolution échoue et, quelques mois plus tard, il regagne Paris pour rejoindre Giuseppina, avec qui il s'installe à Passy. Ils y restent encore un an avant de rentrer en Italie. Trois ans plus tard, ils seront à nouveau à Paris, où ils vont habiter rue Richer. Mais entre les deux séjours parisiens Verdi a eu le temps de composer sa trilogie populaire (Rigoletto, Trovatore et Traviata) et il est devenu très célèbre. Le couple, désormais stable, reste en France, jusqu'en 1855. A Paris, ils mènent une vie discrète. Les seuls musiciens qu'ils fréquentent assez régulièrement sont Rossini et Berlioz. En juin 1855, tout de suite après la première représentation de Vêpres siciliennes, sur un livret de Scribe et de Duveyrier, ils rentrent en Italie.Giuseppe Verdi et Giuseppina Strepponi se marient en 1859. Ils séjourneront à nouveau à Paris, pendant quelques, entre 1865 et 1867, pour la réalisation de Don Carlos. Cette oeuvre est représentée le 11 mars 1867 à l'Opéra, en présence de l'empereur, de l'impératrice et de la cour au grand complet. Les réactions du public et de la critique à la dernière création du maître sont tièdes. Parmi les professionnels, on l'accuse de tout et de son contraire, et même, comme le fait Bizet, de vouloir copier Wagner, dont Verdi ne savait quasiment rien à l'époque. Trois jours plus tard, le compositeur et son épouse quittent Paris.
" Il cigno di Busseto ", comme on l'appelle en Italie, reviendra encore épisodiquement dans la capitale, comme à l'occasion de la représentation du Falstaff en 1894 et de l'exécution de ses pièces sacrées (Quattro Pezzi sacri) en 1898.