Lumen, un pont entre Italie et Japon
Après l’excellent restaurant l’Inconnu, voici un deuxième chef cuisinier japonais qui donne sa version de la cuisine italienne. Et on n’est guère déçu. Colorée, élégante, jouissive, la cuisine d’Akira Sugiura sait exalter les goûts des plats transalpins. C’est une lecture extrêmement intéressante de la tradition gastronomique de la Péninsule.
Grand voyageur, formé, entre autres, chez des étoilés de Toscane et de Ligurie, le jeune chef nippon, nous livre ici une cuisine métissée, basée sur un accord heureux d’ingrédients des deux pays. Le résultat est un mélange sans friction, d’un naturel déconcertant, qui exprime visuellement et gustativement des nuances d’une rare finesse. Par rapport à la cuisine de Koji Higaki ( l’Inconnu), ici, sur le pont imaginaire qui relie l’Île à la Péninsule, on est un peu plus proche de la première. Par ailleurs, vous trouverez à la carte plusieurs spécialités qui n’ont aucun rapport avec la cuisine italienne mais qui s’insèrent parfaitement dans le flot des services.
Déjeuner ou dîner chez Lumen s’apparente à un voyage et chaque service, à une étape sur une côte méditerranéenne ou nipponne. C’est pour cette raison qu’il faut incontestablement se laisser tenter par le menu dégustation (à partir de 48 € à midi), conçu avec la rigueur d’un voyagiste.
La différence la plus évidente par rapport aux autres restaurants italiens est le sens du détail. Les amuses bouches sont servis comme des petites œuvres d’art. Des objets précieux qu’on a presque peur d’abîmer. Les « arancini de potimarron, bœuf haché et quatre fromages » et les « croustillants de riz et anguille fumée, purée d’ail noir et ciboulette » sont posés sur des galets et « les bonbons croustillants de foie gras de canard, chutney de pommes et miso doux » sur un morceaux de bois carré. Le plaisir des yeux accompagne celui des papilles.
Bien que les entrées (« Tartare de noix de Saint-Jacques, Caviar de Neuvic Osciètre, sauce yaourt et sauce Kalamansi », « Tataki de bœuf wagyu « Ozaki », daikon, œuf mollet et gelée de Tosazu ») n’aient pas de rapport très proche avec l’Italie, elles sont absolument exquises.
La suite en revanche nous approche incontestablement des côtes du Mare nostrum : Raviolis de homard et burrata, velouté de céleri-rave et truffe de Bourgogne. A l’intérieur des ravioli, on perçoit bien la chair sapide du homard, adoucie par la stracciatella de la burrata. Une rencontre épatante, parfaitement accompagnée par le goût délicat et légèrement âpre du céleri-rave et la touche discrète quoique bien perceptible de la truffe en fines tranches.
Les « spaghetti à la chitarra au poulpe et fenouil, aglio, olio et poutargue » sont l’incarnation de la perfection. Une cuisson parfaitement maîtrisée, millimétrée. Les spaghetti alla chitarra sont parfaitement al dente, le poulpe est tendre, le fenouil est présent en grain mais aussi en fines lamelles crues, ce qui donne un subtil contraste de textures tendres et croquantes. Le tout savamment lié par une petite crème obtenue grâce à l’amidon des pâtes. Au niveau gustatif, le plat est un chef-d’œuvre d’équilibre. Aucun ingrédient ne prend le dessus sur les autres. Ils jouent tous la même symphonie en apportant chacun d’entre eux une nuance essentielle.
Le plat de viande, « côte de cochon ibérique rôtie, déclinaison de légumes d’automne et jus de cuisson truffé au Marsala » est dans le sillon des précédents : absolument exquis. La viande est d’une tendresse émouvante. Disons que c’est peut-être le plat le moins lié à une culture gastronomique particulière, malgré la présence du Marsala, vin doux de Sicile, et d’une fine tranche de lardo di colonnata. Petit conseil, au lieu du pain, optez pour la sublime focaccia, souvenir précieux du séjour en Ligurie du chef. La version Lumen, très haute (proche des 10 cm), est à base de farine de potiron mélangée aux goûteuses olives grecques kalamata.
Le dessert renoue, du moins visuellement, avec la cuisine transalpine. Le Mont-Blanc maison, crème de marron et glace au lait est une sorte de sculpture gourmande. Elle se présente comme un plat de spaghetti, obtenus par le biais de la crème de marron, enroulés sur la glace au lait. Une harmonie et une délicatesse extrême dans les goûts et les couleurs.
Notre repas a été arrosé par deux vins de Sardaigne de la maison Su’entu : Un vermentino, cépage blanc autochtone de l’île, pour les plats de poisson et un cannonau, rouge, bien plus corsé, pour le plat de viande. Lumen propose également des menus dégustation avec accord mets – vins (à partir de 98 € avec 5 vins différents). Petite touche finale : Les cafés sont accompagnés de macarons chocolat caramel et mini gâteaux aux pommes.
A la carte, le ticket moyen tourne autour de 50 euros, vins exclus. A Midi, vous pourrez profiter de trois menus à partir de 32 €.
Publié le jeudi, 15 novembre 2018 à 14h05
Informations pratiques
- Lumen
- 15 rue des Pyramides - 75001 Paris
- Ouvert tous les jours